Bref récit de la manif du 20 janvier à Ouistreham et le tract de l’AG distribué là bas

 

Le rassemblement a regroupé environ 1000 personnes ce samedi 20 janvier 2018 à Ouistreham, avec tables de presses, diffusions de tracts divers et variés, vente solidaire de badges et prises de paroles de divers collectifs et associations.

Un cortège dynamique s’est ensuite formé dans les rues de Ouistreham, malgré l’opposition initiale de la gendarmerie, vite débordée par le nombre de celles et ceux qui voulaient une nouvelle fois manifester.

La manif, rythmée par des percussions et de nombreux slogans, a circulé dans les rues de Ouistreham, encadrée de quelques groupes de gendarmes qui ne cessaient de courir pour l’empêcher de rejoindre trop rapidement la mairie en bloquant les rues perpendiculaires. On a pas bien compris. Cela a rallongé la manif, ce qui nous convenait, mais, quand même, ça a beaucoup fait courir les gendarmes pour rien !

Arrivée devant la mairie, de nombreux slogans furent entonnés en solidarité avec les migrants et contre l’attitude du maire, Romain Bail (dont le délicieux « C’est pas les migrants qui coûtent trop cher, c’est Romain Bail et sa flicaille »).

Puis la manif est redescendue vers le port où elle s’est dispersée tranquillement.

A signaler, en toute fin d’après-midi, alors que les dernières voitures de manifestant-e-s repartaient à la nuit tombante, sous la pluie battante, un accident : une voiture a fauché un migrant qui traversait la route près d’un rond-point à l’entrée d la ville. Ses camarades l’entouraient tandis que d’importantes forces de gendarmerie accouraient et se déployaient rapidement, gazeuses à la main, pour disperser d’autres groupes de soudanais qui accouraient aux nouvelles. Quelques militant-e-s se sont arrêté-e-s pour observer la scène, inquiété-e-s par tout ce déploiement de gendarmes, qui sont finalement vite remontés dans leurs fourgons. Le blessé a été évacué vers un hôpital caennais par les pompiers. Il semble que son état ne soit pas trop grave.

Vous trouverez ci-dessous le tract diffusé par l’AG de Lutte Contre Toutes les Expulsions à la manif à environ 700 exemplaires. Vous pouvez le télécharger au format PDF en cliquant sur le lien suivant : Tract manif 20 janvier ouistreham

MIGRANTS À OUISTREHAM : VOIR ET ALLER PLUS LOIN.

LA SITUATION LOCALE

Depuis les mobilisations de décembre, la situation abjecte faite aux migrants à Ouistreham par les autorités municipales et préfectorales a peu évolué.

Toujours pas d’abri en plein hiver, même pas un endroit où poser durablement quelques tentes, toujours le même risque de drame fatal en cas de gel, toujours pas de point d’eau potable ni de WC publics accessibles, toujours des confiscations de couvertures et d’affaires personnelles, même si cela semble un peu moins fréquent qu’avant, toujours le harcèlement par les forces de gendarmerie pour tenter d’épuiser les corps et les esprits.

Et tous ces mauvais traitements EN VAIN car il en faudrait bien plus pour que ces migrants qui ont réussi à survivre aux dangers de leur voyage, là où tant d’autres en sont mort-e-s (plus de 3100 mort-e-s en Méditerranée en 2017, combien dans le désert libyen ?) renoncent à leur rêve d’atteindre l’Angleterre, pour y retrouver des proches et y construire une vie meilleure.

Romain Bail, maire de Ouistreham, prétend que les mobilisations actuelles sont manipulées par l’opposition municipale. Mensonge. Le mouvement de solidarité qui s’est développé sur la côte et à Caen s’est toujours tenu éloigné des influences et récupérations politiciennes. Si nous faisons collectivement face à Romain Bail c’est du fait de sa participation active à l’infâme politique de harcèlement des migrants, pas en raison de son appartenance politique qui nous importe peu et nous le faisons pour des raisons bien plus hautes que les enjeux de pouvoir local qui semblent tant l’obséder.

Autre mensonge du maire : soulager la situation des migrants entraînerait inévitablement un « nouveau Calais » à Ouistreham. Il y a toujours moins de 100 migrants en même temps à Ouistreham là où il y en a eu jusqu’à 9000 à Calais avant l’expulsion de la soi-disante « jungle » et ce n’est pas un hasard. Le port de Calais et le tunnel sous la Manche entraînent chaque jour un flot ininterrompu de camions propice aux tentatives de passages clandestins. Le petit port de Ouistreham avec ses 3 ferries quotidiens n’a pas le traffic suffisant pour attirer en masse les migrant-e-s.

Par ailleurs, les États européens tentent de rendre hermétique l’Europe : à l’Est, les frontières sont grillagées et couvertes de barbelés par des régimes nationalistes, les patrouilles sont incessantes, les violences nombreuses contre celles et ceux qui tentent encore parfois le passage. La « route des Balkans » est fermée depuis début 2016.

Coté turc, l’Union Européenne a lâché 6 milliards d’euros pour que le régime autoritaire d’Erdogan ne laisse plus passer les réfugié-e-s qui transitaient par ce pays pour gagner l’Union Européenne via la Grèce.

Au Sud de la Méditerranée, des centaines de millions d’euros sont distribués par l’Union Européenne pour équiper les gardes frontières marocains, algériens, tunisiens et libyens et limiter au maximum les traversées de la Méditerranée. Le projet final étant d’établir directement là bas des centres de tri (et de refoulement) des migrant-e-s, loin des frontières européennes, des yeux occidentaux et des mouvements de solidarité. Il n’y aura probablement plus dans les années qui viennent d’afflux importants de migrant-e-s comparables à ceux des années 2015 et 2016.

Un mensonge supplémentaire : Ouistreham n’aurait pas les moyens financiers d’aider les migrants (mais apparemment a les moyens de payer les grosses notes de restaus chics de Romain Bail à Paris). Si Romain Bail avait une seule miette d’humanisme, il aurait laissé en accès libre un point d’eau, mis à disposition quelques WC de chantiers, laissé quelques tentes s’installer, prêté une salle pour qu’ils aient au moins un repas chaud distribué par jour. Cela n’aurait rien coûté à la mairie : les habitant-e-s solidaires et les collectifs de soutien aux migrant-e-s auraient pu prendre en charge les frais, assurer le nettoyage d’un local prêté quelques heures par jour, fournir et préparer la nourriture. Ces simples gestes d’humanité élémentaire auraient suffit pour qu’il soit laissé tranquille. Il pleurniche aujourd’hui parce qu’il est la cible de la réprobation publique et parce que des manifestations ont lieu devant la mairie. Il ne fait pourtant que récolter ce qu’il a semé… Il ne brille décidément pas, ni par sa grandeur d’âme ni par son intelligence politique…

Heureusement la population locale a su donner l’exemple. Nous profitons de ce tract pour saluer sa solidarité, sa générosité, sa détermination et son sens de l’organisation.

Que les autorités municipales et préfectorales ouvrent bien leurs grandes oreilles : ce qui se passe actuellement n’est pas une succession désordonnée d’actions improvisées. C’est une large campagne de mobilisation sur le long terme. Vous nous avez sur le dos et c’est pour longtemps !

ET AILLEURS ?

La situation n’est pas meilleure voire pire comme à Calais ou Dunkerque où le harcèlement policier des migrant-e-s est encore plus brutal : gazages systématiques des couvertures, de la nourriture (et souvent des migrant-e-s), destruction de tout abri et intimidation permanente des associations et des soutiens locaux.

Ou bien encore à la frontière franco-italienne où chaque nuit quelques dizaines de migrant-e-s traversent les montagnes enneigées, sans équipement ni cartes, par moins 10 ou moins 15 degrés. Certains s’en tirent avec de graves gelures, un migrants a même dû être amputé des 2 pieds, d’autres ont fait des chutes graves ou mortelles en tentant d’échapper aux patrouilles. Là bas aussi, la population s’organise, manifeste, accueille et nourrit tandis que les patrouilles de la gendarmerie ou de l’armée (légion étrangère et chasseurs alpins), équipée de lunettes de vision nocturne, traquent les migrant-e-s pour les refouler vers l’Italie, même quand ils/elles sont mineur-e-s, ce qui est illégal…

Lueur d’espoir dans ce sombre tableau, un peu partout se développe un mouvement de solidarité et de lutte, enraciné localement. Les manifs, actions, occupations, ouvertures de squats se multiplient pour accueillir, vêtir, nourrir, informer, loger les migrant-e-s à la rue comme à Nantes, Grenoble, Lyon, Marseille… Ce mouvement national de solidarité est invisibilisé par les grands médias (tout comme les nombreuses grèves locales actuelles dans tous les secteurs).

Ce qui manque encore à ce mouvement pour gagner en ampleur, en visibilité et en efficacité, c’est une meilleure coordination régionale et nationale, à laquelle nous entendons bien, comme tant d’autres, travailler dans les mois qui viennent.

D’INQUIÉTANTS PROJETS GOUVERNEMENTAUX …

Cette meilleure coordination sera d’autant plus nécessaire que le gouvernement durcit depuis des mois sa politique anti-migratoire à travers des circulaires enjoignant aux préfets de multiplier les assignations à résidence, les placement en détention dans les Centre de Rétention Administrative (CRA) et les expulsions. La création de 200 places de plus en CRA a été annoncée début décembre par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.

Recenser, identifier, interconnecter les fichiers, traiter plus rapidement les demandes d’asile (souvent refusées) et du coup, pouvoir expulser aussi plus rapidement, en flux tendu, avec un minimum de « stock », comme des déchets sur un tapis roulant, les débouté-e-s du droit d’asile, les sans-papiers raflé-e-s dans les rues, les dubliné-e-s (qui doivent déposer, suivant les accords de Dublin, leur demande d’asile dans le premier pays de l’Union Européenne où ils/elles ont été fiché-e-s) semble être l’obsession du gouvernement. Avec des résultats pathétiques : en 2016, la France a expulsé 1293 dubliné-e-s vers d’autres pays européens tandis que ceux-ci en renvoyaient 1257 vers la France… ça fait quand même 36 étranger-e-s en moins en France pour plus de 3500 vies piétinées !!!

Les semaines passées, le gouvernement a même essayé de faire collaborer les associations qui gèrent l’hébergement d’urgence au recensement et au fichage des migrant-e-s avant de reculer devant leur refus ferme et collectif. De même, dans certaines régions, il a essayé d’obtenir des directions d’hôpitaux psychiatriques qu’elles fassent signer les avis d’expulsions qui concernent les patient-e-s étrangers interné-e-s dans leurs services. Nouveau recul devant la levée de boucliers des professionnel-le-s de la santé mentale.

Dans les mois qui viennent, le gouvernement va également promulguer une nouvelle « Loi sur l’asile et l’immigration » qui augmente la durée légale maximale de mise en rétention (qui passe de 45 à 90 jours), réduit le délai pour déposer un dossier d’asile (qui passe de 120 à 90 jours) et le délai pour déposer un recours face à un refus d’asile (qui passe d’un mois à 15 jours). La durée possible d’un contrôle d’identité au commissariat pour un-e étranger-e passerait de 16 à 24H (contre 4H maximum pour un-e français-e).

ET NOUS ?

Oui, nous qui avons des papiers en règle ou la nationalité française, Quoi de neuf tandis que le gouvernement   évalue, trie, contrôle, diminue les droits des migrant-e-s qualifié-e-s d’indésirables et en expulse de plus en plus ? Et bien dans les mois qui viennent, le gouvernement s’apprête à évaluer, trier, contrôler, diminuer les droits des chômeurs-euses qualifié-e-s de fainéant-e-s et à en radier de plus en plus.

Et à la rentrée prochaine, ce sont les jeunes bachelier-e-s qui seront évalué-e-s, trié-e-s, sélectionné-e-s et pour un certain nombre d’entre eux et elles qualifié-e-s d’inaptes et exclu-e-s de plus en plus des filières universitaires où ils et elles souhaitaient étudier.

Et à PSA, Pimkie et tant d’autres boites où ça licencie désormais plus rapidement et facilement grâce aux ordonnances sur le Travail, plus d’un-e travailleur-euse doit aussi se sentir poussé-e vers la sortie « comme un déchet sur un tapis roulant »…

Avec une intensité et une brutalité différentes, nous sommes aussi visé-e-s par les mêmes logiques inhumaines, étatiques et capitalistes, que subissent les migrant-e-s. Alors lutter à leurs cotés, c’est aussi lutter pour nous, pour que la résistance s’étende à d’autres fronts, pour que les luttes convergent et se solidarisent entre elles, pour que change la société et que tout le monde puisse profiter des fruits de la vie dans la dignité, l’égalité et la liberté.

ouistreham

 

 

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