Ouistreham : un récit de la manif du 16 décembre en solidarité avec les migrants.

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La manifestation du 16 décembre 2017 à Ouistreham, autour des mots d’ordre « Ici comme ailleurs, STOP au harcèlement des migrants et de leurs soutiens » et « Ouverture immédiate d’un abri pour les migrants »  a été une belle réussite. Le temps était, pour une fois, clément, le nombre et la détermination étaient aussi au rendez-vous.

Cette manifestation était appelée par de nombreux-euses habitant-e-s de Ouistreham et des communes environnantes ainsi que par une quarantaine de collectifs, associations, syndicats et partis.

D’abord éclaté en deux attroupements, les gens se sont finalement rassemblés à plusieurs centaines sur un des grands parkings du port. Leur nombre a alors progressivement gonflé pour atteindre un bon millier de participant-e-s. Un succès complètement inédit dans la région !

Il y avait ce jour là une grande diversité de personnes, d’âges, de conditions sociales, de sensibilités politiques et philosophique et, en même temps, une volonté commune de manifester publiquement une légitime colère face au traitement inhumain et dégradant dont les migrants sont la cible à Ouistreham de la part des autorités étatiques, préfectorales, municipales et des forces de gendarmerie.

Discussions directes, échanges d’informations, prises de contacts, diffusions de tracts, vente solidaire, à prix libre, de couvertures de survie à offrir ensuite aux migrants, slogans multiples ont marqué ce moment de rassemblement.

Mais nous n’étions, dans notre grande majorité, pas décidé-e-s à nous contenter de ce rassemblement. Nous étions aussi là pour manifester et montrer que les rues de Ouistreham n’appartiennent ni au maire, ni à la préfecture, ni à la gendarmerie mais à la population. C’était dans l’air. Ça s’est concrétisé. Après un rassemblement non déclaré, on assista donc au lancement spontané d’une manifestation tout aussi peu déclarée.

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Photo Actu.fr

Une première tentative d’investir la rue qui passe devant le parking, en direction de l’entrée du ferry à quelques centaines de mètres de là, eut donc lieu, rapidement contenue par les gendarmes présent-e-s. Cela montra à chacun-e qu’il était temps de prendre sa décision intérieure et quelques temps après c’est un élan bien plus massif qui déborda spontanément la ligne de gendarmes et permis à la foule d’occuper la rue. Le cortège avança alors vers l’entrée du parking des ferries. La tête du cortège, réunissant habitant-e-s et militant-e-s, jeunes et moins jeunes,  qui parfois faisaient la chaîne par paquets, scandant sans relâche des slogans comme « Liberté de Circulation » et « Liberté de manifestation », débordait sur les trottoirs et s’infiltrait à travers la ligne trop clairsemée des gendarmes. Ceux-ci furent ainsi pacifiquement refoulés sur quelques dizaines de mètre, jusqu’à ce qu’une seconde ligne viennent les renforcer. Quelques bousculades eurent alors parfois lieu et des jeunes reçurent quelques coups de matraques et quelques brèves giclées de gazeuses à main. Ces quelques violences furent uniquement le fait de la gendarmerie qui avait peur d’être débordée. Il n’y a pas eu de violences de la part des manifestant-e-s.

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Voyant que si l’on continuait à essayer d’avancer dans cette direction, il y aurait répression et voyant que la majorité des gendarmes était occupés à tenir leur ligne devant la manifestation, les gens comprirent rapidement qu’il n’y avait qu’à partir dans l’autre sens pour pouvoir s’engouffrer dans les rues de Ouistreham. La manifestation fit donc un demi-tour sur elle-même et avança dans l’autre sens. Un groupe isolé de gendarmes tenta désespérément d’arrêter le début du cortège, qui avait changé de sens,  à l’entrée d’une avenue. Constatant cela, la foule s’engouffra immédiatement dans une autre rue perpendiculaire et prit tranquillement la direction de la mairie. Il n’y eut plus dès lors de tensions avec les gendarmes, dont certains étaient très jeunes et avaient l’air novices, gendarmes qui furent un peu débordé-e-s, étaient parfois fort pâles lorsqu’ils se retrouvaient complétement isolés au milieu de la foule qui les dépassaient (alors que personne n’avait l’intention de s’en prendre à eux et elles), décontenancé-e-s par la détermination d’une foule très diverse où ils y avait des personnes âgées, des enfants, des militant-e-s (et mêmes quelques toutous en vadrouille) et parfois aussi visiblement mal à l’aise d’avoir pour ordre d’essayer d’empêcher des tas de gens de simplement manifester.

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Tandis qu’une petit partie des gens restaient rassemblée sur le parking (pas de souci ni de jugement, en situation chacun et chacune choisit librement, comme il ou elle le sent), la manifestation, apparemment guidée de manière improvisée par quelques mamies ouistrehamaises qui connaissaient bien leur terrain,  est rapidement arrivée dans un petit parc qui borde l’arrière de la mairie. En haut de la montée, des gendarmes étaient déployés à proximité immédiate de l’Hôtel de Ville. Le début du cortège s’approcha d’eux tandis que le reste de la manif, là encore probablement guidé par des locaux-ales, contourna l’arrière de l’église qui est à coté de la mairie et se mit à gravir un petit et discret escalier en pierre donnant sur une ruelle qui débouchait directement sur la place de la mairie.

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Photo Actu.fr

C’est la que toute la manif finit par se rassembler. Les gens investirent avec un bel élan les marches de la mairie, y déployèrent leurs banderoles tandis que la foule reprenait bien fort et longuement de nombreux slogans en solidarité avec les migrants. Quelques prises de parole eurent ensuite lieu, dont une au nom d l’AG de Lutte Contre Toutes les Expulsions, rappelant le pourquoi de cette large mobilisation, le harcèlement des migrants, la nécessité de leur ouvrir un abri, dénonçant l’attitude inhumaine du maire face à la situation dramatique qu’ils vivent, appelant à la solidarité matérielle avec les migrants et à leur hébergement direct par la population.

Les quelques centaines de personnes encore présentes repartirent en cortège vers le port et c’est là que les derniers groupes se dispersèrent, terminant ainsi une manifestation massive, pleine d’énergie spontanée, pleines de discussions et où tout le monde a pris soin des autres.

Pour l’anecdote, signalons la présence, à quelques reprise, d’un tout petit groupe minable de fachos ( 8 d’après ce qu’on a compté) aux abords de la manif, jamais très loin des gendarmes, qui ont parfois insulté des manifestant-e-s.

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Une partie de la petite brochette de fachos présents aux abords de la manif

Si la manif fut chouette et a permis de mettre les autorités sous pression, si elle a fait du bien au moral des migrants (et au notre aussi), il n’en reste pas moins que la situation des migrants reste très tendue. Une partie d’entre eux sont accueillis chez des habitant-e-s solidaires (mais cela peut-il durer sur le long terme ?). Pour les autres, ils manquent de nourriture, n’ont que des abris précaire cachés ici ou là quand ils ne dorment pas directement dehors, leur santé se dégrade en même temps que les conditions climatiques et tout le monde redoute un drame mortel en cas de gel.

Il nous faut donc intensifier l’aide matérielle et rester mobilisé-e-s y compris si les autorités se décident à ouvrir un lieu d’hébergement d’urgence car si cela se produisait, il faudrait craindre que cela ne serve de prétexte à rafler les migrants, à les maintenir dans un lieu isolé et fermé où les autorités chercheraient à les identifier, à les trier et à en expulser un maximum vers le premier pays de l’Union Européenne où leurs empreintes ont été prises (donc vers l’Italie pour la plupart des soudanais de Ouistreham). Quoi qu’il en soit, un nouvelle manifestation est en train d’être organisée pour le mois de janvier. Nous vous tiendrons au courant.

Quant au maire de Ouistreham, Romain Bail, il prétend de manière infâme faire preuve « d’un humanisme lucide et pragmatique », alors qu’il fait tout pour pourrir la vie des migrants. Si ce monsieur avait ne serait-ce qu’une miette de l’humanisme dont il se réclame, il n’obligerait pas les agents municipaux à rechercher et jeter les couvertures et les petits sacs d’affaires personnelles des migrants cachés à droite à gauche, il aurait laissé en accès libre au moins un point d’eau, mis à la disposition des migrants quelques WC de chantiers, prêté une salle pour qu’ils aient au moins un repas chaud de distribué par jour. Cela n’aurait rien coûté à la mairie, les habitant-e-s solidaires et les collectifs de soutien aux migrants auraient pu prendre en charge les frais, assurer le nettoyage d’un local prêté quelques heures par jour, fournir la nourriture et la préparer. Ces simples gestes d’humanité élémentaire auraient suffit pour qu’il soit laissé tranquille. Qu’il ne vienne donc pas aujourd’hui pleurnicher parce que sa toute petite personne est devenu la cible de la réprobation publique et parce que des manifestations ont lieu devant la mairie. Il ne fait aujourd’hui que récolter ce qu’il a semé de manière si méprisable et bête… Il ne brille décidément pas, ni par sa grandeur d’âme ni par son intelligence politique…

 

Pour tout contact avec l’AG de Lutte Contre Toutes les Expulsions de Caen :

ag-contre-expulsions@laposte.net

Site de l’AG : https://agcontrelesexpulsions.wordpress.com/

Soutien financier : L’argent permet de se procurer rapidement ce qui peut manquer de façon urgente dans les squats ou pour les migrants à la rue à Ouistreham (nourriture, hygiène, gaz etc.). Chèques à l’ordre de Solidarité Migrants Calvados à envoyer à : 16 allée de l’Angle – 14200 Hérouville St  Clair .